Urine et selles : l’engrais du futur?

Diversion d’urine et compostage de selles, ça vous dit quelque chose? Bien sûr que si, puisque j’en parlais dans mon article As-ti fait ton ti peupi? En allant en Finlande, j’avais très hâte de voir les fameuses toilettes à diversion d’urine. On nous en avait parlé durant l’école d’été d’agriculture urbaine et j’avais plein d’attentes. Voici mon 2e article de la série Finlande-Stockholm sur l’utilisation des excréments humains dans l’agriculture.

Projet pilote

J’ai été un peu déçue quand j’ai vu que les toilettes à diversion d’urine n’étaient pas encore répandues en Finlande. Il semble que ce soit encore un simple projet pilote. Néanmoins, les toilettes compostables et à diversion d’urine sont plus accessibles pour les particuliers que chez nous. Surtout, le blocage psychologique, même s’il existe, est moins fort qu’ici (pour l’instant). En ce moment, les toilettes à diversion d’urine sont utilisées dans des endroits publics qui accueillent des festivals. Le bâtiment que nous avons visité est une vieille usine transformée en plateforme événementielle et un skate park intérieur. Je trouve que l’idée de les utiliser durant des festivals est excellente. Entre les toilettes chimiques bleues et celles-ci, je ne vois pas tellement de différence en terme d’utilisation. Pourtant, sur le plan de la gestion des matières résiduelles, l’utilisation de ces toilettes est extrêmement avantageuse.

Compostage des selles

Dans mon précédent article, je parlais essentiellement de l’urine, car les selles peuvent être contaminées. La représentante de l’association des toilettes sèches nous expliquait qu’ils récupèrent l’urine et les selles. Ils ont trouvé une bactérie qui transforme les selles en compost utilisable dans les 26 heures après leur traitement. Malheureusement, l’équipe ne voulait pas trop répondre à mes questions, car on m’a dit qu’il s’agissait de «secrets industriels». Dommage! On nous a quand même laissés prendre une photo de leur machine qui transforme le caca. Ça sentait pas mal le fumier animal.

Traitement de l’urine

Le bâtiment récolte et entrepose l’urine dans ses sous-sols dans de gros barils. Pour nettoyer l’urine récoltée chez des gens ne prenant pas de médicaments, il faut la laisser reposer pendant 1 mois au minimum pour qu’elle se transforme d’elle-même en élément basique dont le ph est de 13 (ammonium). Ainsi, le liquide s’autonettoie, car il devient un antiseptique basique. L’association Dry Toilet laisse reposer l’urine pendant 6 mois, car elle provient de trop de sources différentes et dont les antécédents sont inconnus. C’est une façon de contrôler la qualité de l’urine.

Électrochoc

Il existe aussi l’utilisation d’électrochoc dans l’urine. Il s’agit du meilleur moyen connu de séparer les nutriments, l’eau et les pharmaceutiques. Cela permet aussi d’isoler l’azote, le phosphore et le potassium que l’humain rejette naturellement afin de le renvoyer dans le système agricole. En effet, ce sont des nutriments essentiels pour le développement des plantes. J’ai demandé à notre conférencière, pourquoi ils n’utilisaient pas cette technique, car l’entreposage prend du temps et de la place. Il semblerait l’utilisation de l’électricité soit trop dispendieuse pour le projet. Pour l’instant, on essaye de trouver un autre moyen de se débarrasser des médicaments rejetés par l’humain.

Les bienfaits de l’urine et des selles dans l’agriculture

La récupération des excréments humains est, à mon avis, la voie de l’avenir dans l’agriculture. En plus de réduire le traitement des eaux, ce qui baisse la facture des villes, les excréments traités peuvent être vendus comme des engrais traditionnels ce qui permettrait de financer leur traitement. En plus, l’utilisation de l’urine dans l’agriculture permet de réduire la consommation d’eau de 80% ce qui est un élément non négligeable dans une optique de rareté de l’eau. J’aurais voulu en savoir plus sur les détails et l’avancement des recherches. C’est sûrement ce que je regrette le plus du voyage, car la visite n’était pas assez longue et en profondeur. Néanmoins, je suis contente d’avoir vu les toilettes de mes yeux. J’étais aussi contente d’entendre que l’association fasse des pressions pour intégrer la diversion d’urine dans le réseau d’aqueduc.

Engrais certifié

Il reste à voir ce qu’il adviendra dans le futur, car il semble y avoir beaucoup de résistance. D’abord, ce n’est pas tout le monde qui est sensibilisé aux bienfaits de la récupération des excréments humains. Il va falloir faire des campagnes d’information et d’éducation sur les modes d’utilisation avant d’implanter ça partout. Aussi, l’urine n’est pas encore reconnue comme un engrais certifié en Finlande. Cela s’explique, car toilettes sèches n’utilisent pas de décharge électrique pour isoler les particules potentiellement dangereuses. J’ai demandé à la conférencière et elle a dit que s’ils le faisaient, l’engrais serait certifié. C’est très intéressant pour le Québec, car nous n’avons pas ce problème de coût par rapport à l’électricité. Nous sommes l’une des places dans le monde où l’électricité est la moins chère. Nous aurions la possibilité de faire certifier l’urine comme engrais beaucoup plus facilement qu’en Finlande.

Éviter la contamination de l’eau potable

L’utilisation d’engrais d’origine humaine dans l’agriculture ne permet pas simplement d’économiser de l’eau. Elle permet aussi de purifier l’eau potable en évitant de la contaminer. Aussi, même si notre eau est potable, il y a un réel problème avec la présence de médicaments. Actuellement, les méthodes de filtrage laissent passer des traces et nous buvons des pharmaceutiques. Personne ne sait quels sont les effets à long terme sur l’humain. En les isolant avant de renvoyer l’eau dans le système, on limite des problèmes de santé potentiels. Aussi, isoler le phosphore et l’empêcher d’aller dans l’eau aurait deux avantages. Le premier est qu’on aurait plus besoin d’importer autant de phosphore pour l’agriculture. Le deuxième concerne l’eutrophisation de l’eau. Ce phénomène est généralement connu sous la prolifération des algues dans nos cours d’eau.

Qu’est-ce qu’on attend pour faire ça icitte?

C’est clair que de remplacer notre système de gestion des eaux usées est un projet massif et coûteux. Je pense quand même qu’on pourrait tenter le projet durant les festivals ou sur des sites extérieurs. Bref, on pourrait remplacer toutes les toilettes chimiques par des toilettes sèches. Ce pourrait être un projet super avantageux qui pourrait s’autofinancer en revendant l’engrais. Ça serait aussi un moyen de commencer à changer l’opinion publique et les habitudes graduellement. Peut-être que l’association des toilettes sèches finlandaise voudra bien partager ses secrets avec nous pour le bien commun…!? On se rappellera des fameux débordements des toilettes chimiques de 2013 au RockFest. Imaginez si on récupérait l’urine et les selles d’Osheaga, ÎleSonic ou du RockFest : que de potentiel!