As-ti fait ton ti peupi? (ou les bienfaits de la diversion d’urine)

Cet article sur l’urine fait partie d’un dossier spécial sur mon expérience à l’école d’été d’agriculture urbaine 

Dans le cadre des conférences durant l’école d’été AU, j’ai choisi un panel ma foi surprenant, «Introduction à l’urine comme engrais écoresponsable en bioponie par Nicolas Mory».

Évidemment qui dit urine, dit tabou, et donc un besoin important de sensibilisation et d’éducation. Non, les tomates ne vont pas goûter la pisse… est-ce qu’elles goûtent la marde de poulet?

Premièrement, avant d’aborder le sujet, il faut savoir que notre corps rejette dans l’urine 3 des 5 nutriments essentiels au développement des plantes, l’azone (N), le phosphore (P) et le potassium (K). Pour les horticoles ou les pousseux de plants de cannabis, il s’agit de la fameuse combinaison NPK qu’on retrouve sur les bouteilles d’engrais.

05- osheagaComme les pays industrialisés font tous des analyses des eaux usées, ils ont aussi attribué une moyenne du dosage de NPK dans l’urine humaine, N 3, P 0.5 et K 2. Petite parenthèse, les données extraites des eaux usées sont très intéressantes. D’ailleurs, dans un article du Devoir nous apprenait que la substance la plus retrouvée dans l’eau est celle du café et ensuite celle des antidépresseurs. Fait intéressant, la présence de drogue augmente dans les usines d’épuration durant des événements festifs à Montréal (genre Osheaga).

Quels sont les avantages d’utiliser l’urine comme engrais ?

On réduit notre consommation d’eau, mais aussi on réduit la contamination de l’eau de nos municipalités en faisant une diversion de l’urine. Également, on utilise moins d’engrais puisque l’urine est de l’engrais. En d’autres mots, on évite des émissions de gaz pendant le transport des engrais traditionnels (fumier d’animaux) en plus de réduire la contamination de notre environnement.

Où est-ce qu’on retrouve une quantité énorme d’urine ? Dans les villes. Imaginez utiliser cet engrais à rabais à des fins d’agriculture urbaine. Pas de problème de manque d’eau, pas de dépendance envers les engrais animaux qu’on retrouve en région ou dans les zones périurbaines, c’est presque la souveraineté agricole !

La recette gagnante

Évidemment, il faut un peu de manipulation pour éviter de transmettre les contaminants de l’urine dans nos légumes. Premièrement, il faut faire diverger l’urine à la source, car au contact des selles, il y a des risques de salmonelle et d’E.-colis. Les Finlandais utilisent déjà des cuvettes à cet effet :

Toilette à diversion d'urineEnsuite, une fois l’urine récoltée, il faut la laisser fermenter pendant un mois au minimum (idéalement deux mois). Oui, oui, j’ai bien dit fermenter. Naturellement, l’urine se transforme en ammonium si elle est laissée au repos.  Cet élément est un antiseptique naturel (l’amonium a un PH de 13) et donc, l’urine tue elle-même les mauvaises bactéries en la laissant simplement reposer. Wow!

Donc, NPK. Le N nourrit la période de «feuillage» de la plante, le P la période de floraison et le K, la période ou la fleur de change en fruit. Il suffit d’ajouter un peu de concentré d’algues marines (très fort en potassium, K) vers la fin de la floraison pour que nos plants de légumes produisent à profusion.

Un rêve impossible

Malheureusement, comme je l’ai mentionné plus haut, nos eaux usées sont remplies de pharmaceutiques et nous ignorons quels sont les effets sur leur consommation. En passant, l’eau du robinet contient ces dits pharmaceutiques. Aussi, il faut éviter de consommer trop de sodium, car cet élément nuit aux plantes. Comment convaincre la population de lâcher les médicaments, le sel et réduire le café ? Tout simplement impossible.

L’autre solution est de mettre en place, en plus du système de diversion d’urine, un traitement d’osmose inverse qui nous permettrait d’extraire le NPK et purifier le ¾ de l’eau usée en eau absolument pure (mais exempte de minéraux) avec un rejet de ¼ des eaux usées contenant les éléments plus nocifs.

Au pied du courant à MontréalCette approche ne serait pas si mal puisqu’on purifie mieux les eaux avec ce traitement qu’avec celui qui est fait actuellement. Ainsi on évite de contaminer l’eau potable en enlevant l’urine (c’est surtout le phosphore qui est problématique une fois retourné dans l’eau). On pourrait aussi composter les selles et isoler, à l’aide de l’osmose inverse, les pharmaceutiques, les résidus de café et de sodium afin de les traiter plus adéquatement pour limiter le retour des contaminants au grand public.

Finalement. pour ceux qui veulent en savoir plus, je vous suggère de passer au village au Pied-du-Courant près du pont Jacques-Cartier cet été puisque Nicolas Mory y est présent dans la section «tipi indien». Il a récolté 200 litres d’urine (de gens qui répondaient aux critères) pour faire pousser 50 plants de légumes. Wow.